Un conte bouleversant de Hans-Christian Andersen (1805-1848) qui évoque avec beaucoup de poésie la douleur indicible ressentie par une mère qui perd son enfant.
Cette adaptation quelque peu maladroite n'est malheureusement qu'un pâle reflet de cet admirable récit.
L’HISTOIRE D’UNE MERE
La mère était assise auprès de son enfant ; elle était profondément triste, car elle craignait qu’il ne meure. Il était très pâle, ses petits yeux étaient clos, et parfois on entendait sa respiration rauque et déchirante, comme un sanglot ; alors, la mère se sentait plus triste que jamais.
On frappa à la porte et un vieil homme entra. Il était enveloppé dans une grande couverture chaude dont il avait vraiment besoin, car l’hiver était très froid. Le pays était entièrement recouvert de neige et de glace, le vent était si cinglant qu’il vous lacérait le visage.
L'enfant s’était assoupi. La mère, voyant que le vieil homme tremblait de froid, se leva afin de lui préparer du thé chaud. Le vieil homme s’assit et se mit à bercer l’enfant dans son petit lit. La mère s’assit aussi sur une chaise à côté de lui, regarda son enfant malade qui respirait bruyamment et prit une de ses petites mains entre les siennes.
« Il ne mourra pas, n’est-ce pas ? » dit-elle. « Dieu est miséricordieux, Il ne me le prendra pas ».
Le vieil homme, qui en réalité était la Mort elle-même, hocha la tête de cette façon particulière qui peut signifier à la fois oui et non. Et la mère baissa les yeux, cependant que des larmes coulaient le long de ses joues.
Alors, sa tête se fit lourde, car elle n’avait pas fermé l’œil depuis plusieurs jours, et elle s’endormit un court instant. Elle s’éveilla tremblante de froid et regarda autour d’elle. Le vieil homme n’était plus là. Il était parti en emmenant le petit malade ! Dans un coin de la pièce, la vieille pendule se mit à sonner. La pauvre mère se précipita hors de la maison en appelant son enfant. Dehors, dans la neige, était assise une femme vêtue de vêtements noirs qui lui dit: « C’est la Mort qui était avec toi. Je l’ai vue qui emmenait ton enfant ; elle allait plus vite que le vent et elle ne rend jamais sa proie ».
« Dis-moi seulement de quel côté elle est allée » dit la mère. « Montre-moi le chemin et je saurai la retrouver ».
« Je connais le chemin » dit la femme en vêtements noirs, « mais pour que je te l'indique, tu dois me chanter toutes les berceuses que tu as chantées à ton enfant ; Elles sont si belles. Je suis la Nuit et j’ai vu couler tes larmes tandis que tu chantais ».
« Je te les chanterai toutes une autre fois » dit la mère, « mais ne me retiens pas maintenant. Je dois retrouver mon enfant ».
Mais la Nuit s’assit sans rien dire, et attendit. Alors la mère chanta en pleurant et en se tordant les mains. Il y avait beaucoup de chansons. Finalement, la Nuit dit : « La Mort est partie à droite, vers la sombre forêt de pins ».
Dans le bois, la mère arriva à un carrefour et ne sut pas quel chemin prendre. Devant elle, il y avait un buisson d’épines qui n’avait ni feuilles ni fleurs car on était en hiver, et des glaçons pendaient à ses branches. As-tu vu la Mort passer par là avec mon petit enfant ? demanda-t-elle.
Oui, répondit le buisson, « mais je ne te dirai le chemin qu’elle a pris que lorsque tu m’auras réchauffé contre toi. Je suis gelé à en mourir et je vais me transformer en glace ».
Alors, elle pressa le roncier contre elle si fort que les épines lui transpercèrent la peau et que de grosses gouttes de sang se mirent à couler. Du roncier dégelé jaillirent de vertes et tendres feuilles qui devinrent des fleurs dans la froide nuit d’hiver. Alors, le buisson lui montra le chemin qu’elle devait prendre.
Elle arriva au bord d’un grand lac sur lequel on n'apercevait aucune barque. Le lac n’était pas suffisamment gelé pour qu’elle puisse le traverser à pied. Cependant, elle devait passer si elle voulait retrouver son enfant. Alors, elle eut l’idée folle de vider toute l’eau du lac! Elle espérait qu’un miracle se produirait, que quelqu'un viendrait l’aider.
« Tu n’y arriveras jamais » lui dit le lac. « Faisons un marché tous les deux, ce sera beaucoup mieux. J’aime les perles, et tes yeux sont les perles les plus pures que j’aie jamais vues. Si tu me les donnes, je t’emmènerai vers le jardin dans lequel la Mort cultive des fleurs et des arbres qui représentent chacun une vie humaine ».
Que ne donnerais-je pas pour retrouver mon enfant, dit la mère en pleurant. Elle pleura tellement que ses yeux tombèrent dans les profondeurs du lac et devinrent deux perles infiniment précieuses.
Alors le lac la souleva et la déposa sur l'autre rive. Elle se trouva devant une montagne couverte de forêts au pied de laquelle s'étendait un grand et magnifique jardin. La pauvre mère ne pouvait rien voir puisqu’elle avait donné ses yeux au lac. Comment vais-je pouvoir retrouver la Mort et mon enfant ? se demanda-t-elle à haute voix.
Elle n’est pas encore arrivée, dit une vieille femme aux cheveux gris chargée d'arroser les fleurs dans le jardin de la Mort. « Comment avez-vous fait pour trouver le chemin jusqu’ici et qui vous a aidée ? »
« Dieu m’a aidée » répondit-elle. « Il est miséricordieux ; n’aurez-vous pas pitié de moi vous aussi ? Comment puis-je retrouver mon enfant que la Mort a emporté ? »
"Ce sera difficile, répondit la vieille femme, vous êtes aveugle. Les arbres et les fleurs de ce jardin ressemblent aux autres plantes, mais chacun d'eux représente une personne vivante et contient un cœur qui bat. Quand une personne meurt, la mort arrache la plante qui lui correspond pour la transplanter ailleurs. Peut-être pourriez-vous reconnaître les battements de cœur de votre enfant. Que me donnerez-vous si je vous en dis plus ? »
« Je n’ai plus rien à donner » dit la mère affligée, « mais j’irais au bout de la terre pour vous ».
« Vous ne pouvez pas m’être utile » dit la vieille femme, « mais vous pouvez me donner vos longs cheveux noirs. Vous savez qu’ils sont beaux et ils me plaisent. Vous pouvez prendre mes cheveux gris en échange ».
Et la mère donna ses beaux cheveux sombres dont elle était si fière et reçut en retour la maigre chevelure grise de la vieille femme. Puis elles entrèrent dans le grand jardin de la Mort, où croissaient une multitude d'arbres et de fleurs superbes. « Il est ici » s’écria soudain la mère, tendant les mains vers un tout petit crocus qui paraissait bien chétif.
« Ne touchez aucune fleur» s’exclama la vieille femme, « mais restez là: Quand la Mort viendra – je l’attends d’une minute à l’autre – ne la laissez pas prendre ce crocus et menacez-la d'arracher les autres plantes. Elle aura peur, car elle doit rendre des comptes à Dieu pour chacune d’elles.».
La mère aveugle sentit alors passer un courant d'air glacé et sut que la Mort était là.
« Comment as-tu fait pour arriver jusqu’ici ? » demanda-t-elle. « Comment as-tu fait pour aller plus vite que moi ? »
« Je suis une mère », répondit la pauvre femme.
La Mort tendit la main vers la petite fleur si délicate, mais la mère l’entourait de ses mains protectrices, avec précaution de peur d’abîmer un des pétales. Alors la Mort souffla sur ses mains ; elle sentit son souffle glacé et ses mains retombèrent, sans force.
« Tu ne peux rien contre moi » dit la Mort.
« Mais Dieu peut tout.» répondit la mère
« Je fais uniquement sa volonté » répliqua la Mort. « Je suis son jardinier. Je m’occupe de toutes ses plantes pour les transplanter le moment venu dans les jardins du Paradis, un lieu inconnu des hommes. Je ne puis te dire ce qui leur advient, ni à quoi ce jardin ressemble.».
« Rends-moi mon enfant ! » implora la mère en sanglotant. Et se penchant vers deux jolies fleurs, elle s’écria : « Si tu ne me rends pas mon fils, je les arrache ! »
« Ne les touche pas » dit la Mort. « Voudrais-tu rendre une autre mère aussi malheureuse que toi ? »
« Une autre mère ! » s’écria la pauvre femme horrifiée.
« Voici tes yeux » dit la Mort. « Je les ai vu briller dans le lac". Je les ai repêchés sans savoir qu’ils t’appartenaient. "Reprends-les" et maintenant, approche-toi et regarde les images qui vont apparaître au fond de ce puits. Je vais te révéler le destin des deux fleurs que tu voulais détruire. Alors apparurent au fond du puits des images de joie, d’harmonie, de bonheur, d’une vie sereine qui apportait la bénédiction autour d’elle, puis des images de malheur, de misère, de honte, de souffrance indicible, de désespoir infini, d’une destinée cruelle et pleine d’angoisse.
« A laquelle de ces vies ressemblera celle de mon enfant » ? demanda la mère épouvantée. « Je ne puis te le dire » répondit la Mort.
Alors la mère dit d’une voix brisée : « Emporte-le. Emmène-le dans les jardins de Dieu. Oublie mes larmes et mes prières. Oublie ce que j’ai dit ou fait. »
« Je ne comprends pas, dit la Mort, veux-vous reprendre ton enfant ou dois-je l’emmener loin de toi ? »
Alors la mère se tordit les mains, tomba à genoux et pria Dieu : « N’écoute pas mes prières si elles sont contraires à ta volonté qui est toujours ce qu’il y a de meilleur. Oh, ne les écoute pas ! » Et sa tête retomba sur sa poitrine.
Et la Mort emporta l’enfant dans le pays mystérieux .
En allemand, une traduction plus fidèle à l'original:
http://www.internet-maerchen.de/maerchen/gesc...